OPUR, un observatoire d'hydrologie urbaine en Île-de-France

Action 2.2 - Transfert et flux de polluants aux exutoires des bassins versants

par Régis - publié le

Objectifs

Le travail réalisé au sein de cette action visait à fournir de nouvelles informations sur la qualité des eaux pluviales strictes à l’exutoire de bassins versants urbanisés et sur celle des eaux usées de temps sec issues de réseau séparatif et de réseau unitaire. Les principaux objectifs étaient :
• La mise en place d’une méthodologie permettant de quantifier les polluants prioritaires et urbains dans les eaux urbaines, à la fois sur les phases dissoute et particulaire. La démarche porte sur l’établissement d’une collaboration avec un laboratoire accrédité afin d’évaluer la potentialité de ces organismes à conduire des analyses de ce type ;
• La comparaison des méthodes d’analyses de la phase totale (méthode dite « standard ») avec la méthode d’analyse séparée des phases dissoute et particulaire ;
• L’étude de la répartition de la pollution entre les phases particulaire et dissoute des polluants prioritaires dans différents types de matrices urbaines :
o Les eaux pluviales en réseau d’assainissement séparatif avant leur rejet dans le milieu naturel ou leur traitement par les SDEP (station de dépollution des eaux pluviales) ;
o Les eaux usées de temps sec de réseaux d’assainissement unitaire et séparatif avant leur traitement en STEP (station d’épuration).
• La caractérisation des eaux pluviales du réseau séparatif pour différents types d’occupations du sol (pavillonnaire, urbain dense et urbain très dense) et l’étude de leur variabilité spatiale ;
• L’estimation de la contribution des retombées atmosphériques et du ruissellement de chaussées en relation avec le type d’occupation du sol à la pollution des eaux pluviales à l’exutoire de ces réseaux ;
• L’évaluation du risque des eaux pluviales lors de leur rejet en milieu naturel sans traitement.
Ces travaux se sont inscrits dans le cadre de la thèse de Sally Zgheib qui portait sur les Flux et sources des polluants prioritaires dans les eaux urbaines en lien avec l’usage du territoire (2006-2009).

Sites expérimentaux

Les eaux pluviales (EP) et les eaux usées de temps sec (EUTS) ont été collectées sur cinq sites différents localisés sur Paris et sa proche banlieue. La maîtrise de la pollution liée aux rejets urbains, qu’ils proviennent de réseaux d’assainissement strictement séparatifs ou unitaires, a pris une place importante dans les problématiques liées à l’assainissement. L’état des connaissances concernant la qualité des EP strictes dans les zones urbaines, pour différents types d’urbanisation, demeure encore insuffisante pour les contaminants organiques et minéraux.
Notre objectif a été de travailler sur des sites expérimentaux drainés par des réseaux d’assainissement séparatifs et présentant un « gradient croissant » d’urbanisation allant du périurbain (pavillonnaire) jusqu’à l’urbain dense. A Paris, il n’existait qu’un seul site assaini en séparatif : la ZAC Paris Rive Gauche, représentatif de l’urbain très dense. Deux autres sites ont été sélectionnés en banlieue parisienne dans les départements de la Seine Saint Denis (93), pour Noisy-le-Grand, site représentatif d’un centre urbain de banlieue, et du Val de Marne (94), pour Sucy-en-Brie, représentatif d’une zone pavillonnaire.
La connaissance de la contamination des eaux usées par les polluants prioritaires était également insuffisante. Comment évolue cette contamination suivant que les eaux usées sont issues d’un réseau unitaire ou d’un réseau séparatif ? De ce fait, deux sites expérimentaux ont été choisis. Un site représentatif d’un réseau d’assainissement unitaire, situé à Clichy, pour lequel les eaux usées de temps sec seront étudiées. Ce site a la particularité de drainer une superficie importante et il se situe en amont de plusieurs STEP rendant possible l’évaluation de la qualité des eaux usées en entrée de STEP. Ce site unitaire a été comparé à un site assaini par un réseau séparatif situé dans la commune de Sucy-en-Brie.

Méthodologie

La circulaire du 7 mai 2007 exige non seulement une réduction et/ou une élimination des polluants prioritaires mais également une mesure de leur concentration par des méthodes normalisées ayant des limites de quantification inférieures aux normes de qualité environnementales (NQE) fixées pour le milieu récepteur. L’analyse de ces substances est effectuée généralement sur la phase totale voire la phase dissoute de l’échantillon, la phase particulaire est rarement considérée. Notre objectif a été de mettre en place une recherche ciblée de polluants urbains qui a consisté en l’analyse pour la première fois des polluants prioritaires de la DCE ainsi que d’autres polluants urbains, à la fois, sur les phases dissoute et particulaire.
Sur la base d’une étude bibliographique, nous avons focalisé notre étude sur les polluants susceptibles d’être présents majoritairement dans les eaux pluviales. Ainsi, ont été écartées les substances émergentes qui peuvent être présentes dans les eaux usées (EU) tels que les produits pharmaceutiques, les fragrances et les cosmétiques. Puis nous avons intégré également tous les polluants de la DCE à notre liste, dite « liste des polluants urbains prioritaires », afin de la compléter. Au final, cette liste renferme 88 substances chimiques individuelles :
• 43 substances individuelles appartenant à la liste des « 33 substances ou groupes de substances prioritaires » de la DCE dont 26 substances sont classées prioritaires et 17 substances sont classées dangereuses prioritaires ;
• 45 substances individuelles, nommée « autres substances » choisies en se basant sur la liste CHIAT du programme de recherche européen Daywater (Eriksson et al. 2007), de la liste I de la directive 76/464/CEE, les HAPs supplémentaires afin de couvrir la totalité de la liste des 16 HAP de l’US EPA, la liste des substances recherchées par l’INERIS lors de la première phase du programme 3RSDE, ainsi que d’autres substances non règlementées actuellement mais qui peuvent être émises en milieu urbain : les PBDE, 4-ter-butylphénol, 4-n-octylphénol, métaldéhyde, aminotriazole, déséthylsimazine.

Certains paramètres globaux « classiques » de suivi de pollution tels que pH, conductivité, MES, DCO, phosphore total et NTK totaux ont été ajoutés à la liste des 88 substances. Le choix délibéré de travailler avec un laboratoire accrédité a été retenu afin de réaliser les analyses en appliquant des méthodes normalisées, en cohérence avec la règlementation qui impose aux gestionnaires de travailler avec ce type de laboratoires. Le laboratoire a été retenu à partir du traitement des réponses reçues suite à l’envoi d’un cahier des charges à 12 laboratoires accrédités, que nous avions rédigé. Ce laboratoire était le laboratoire IPL - Bretagne à Ploemeur. Les méthodes d’analyses, proposées par ce laboratoire, répondent en partie aux exigences analytiques de la circulaire du 7 mai 2007 puisqu’elles fournissent des LQ inférieures ou égales aux NQE. Parmi les 88 substances recherchées, 15 substances ne possèdent pas de NQE. Ce qui restreint le nombre des substances, dont les LQ peuvent être comparées aux NQE, à 73. Ainsi :
• Parmi les COV, seuls les trichlorobenzènes (COV) possèdent des LQ > NQEp.
• Pour les substances analysées à la fois sur les phases dissoute et particulaire, nous distinguons : (i) les LQ des substances ne dépendant pas de la concentration en MES de l’échantillon : c’est le cas de 23 substances ayant toujours LQ < NQE, alors que 6 substances présentent des LQ > NQE, quelque soit la phase analysée, (ii) les LQ des substances dépendant de la concentration en MES de l’échantillon : c’est notamment le cas de 23 substances pour lesquelles LQparticulaire < NQE lorsque l’échantillon est riche en MES, alors que certaines substances rejoindront le groupe ne respectant pas la norme lorsque la concentration en MES diminue. Ces mêmes substances présentent également des LQdissoute > NQE.
Toutefois, les méthodes analytiques utilisées pour la phase dissoute sont en majorité des méthodes normalisées. Pour l’analyse de la phase particulaire, le laboratoire a utilisé des méthodes normalement dévolues à l’analyse des sédiments, de fait, considérées comme non normalisées ou internes. Par ailleurs, la méthodologie du « screening » (analyse des phases dissoute et particulaire) a été comparée au protocole d’analyse classique utilisé par les laboratoires accrédités (analyse sur l’échantillon brut c’est-à-dire sans filtration). Ainsi, pour un même échantillon, les analyses ont été conduites sur les phases particulaire et dissoute, et sur l’échantillon brut (ou total). Tous les aspects relatifs à l’échantillonnage et la préparation des phases dissoute et particulaire ont été réalisés par nos soins afin de limiter au maximum l’évolution des matrices. Ainsi, la filtration a été réalisée directement après la collecte des échantillons afin de transmettre au laboratoire accrédité la phase dissoute dans les 24 h. De même, la phase particulaire a été lyophilisée au Leesu et envoyée dans les 48 h.
Une quarantaine d’échantillons d’eaux pluviales, de retombées atmosphériques et d’eaux usées de temps sec ont été analysés. Deux échantillons de dépôts, récupérés sur le site unitaire du Marais (dépôts organique et grossier) n’ont été analysés que sur la phase particulaire. Des échantillons complémentaires ont été également analysés, il s’agit d’un blanc de prélèvement et d’une eau de source. Ils nous ont permis de valider l’ensemble de notre méthodologie : du prélèvement à l’analyse.

Principaux enseignements

Les méthodes normalisées de mesure des polluants prioritaires ont été comparées à la nôtre pour vérifier si cette dernière s’avère une méthode adéquate pour la mesure des polluants prioritaires et pour vérifier si les concentrations sont protocoles-dépendantes ou non. Nos résultats ont confirmé les appréhensions relatives à la mesure des polluants organiques visés par la réglementation, plus particulièrement, lorsqu’il s’agit d’évaluer la qualité d’une rivière ou l’impact de rejets urbains de temps de pluie. Il semble donc nécessaire de : (i) mieux évaluer les méthodes « standard » ou normalisées au sein des laboratoires accrédités et leur application à des mesures dans le cadre de la DCE, (ii) d’utiliser préférentiellement une méthode du type « screening » pour analyser à la fois les phases dissoute et particulaire au lieu de l’échantillon brut surtout pour les substances hydrophobes. Toutefois cela nécessite le développement de nouvelles méthodes d’analyse sur phase particulaire. Des efforts doivent être consentis dans ce sens car les méthodes normalisées conduisent à une forte sous-estimation de la contribution de la pollution sous forme particulaire.
Le nombre de substances retrouvées dans les effluents urbains est relativement comparable d’une matrice à l’autre. Cependant bien que certaines substances soient communes à plusieurs matrices, d’autres apparaîtraient plus spécifiques de telle ou telle matrice. Parmi les substances identifiées, 28 sont ubiquistes dans toutes les matrices (EP, EU et dépôts). Il s’agit essentiellement des HAP, PCB, alkylphénols (para-tert-octylphénol), métaux (Pb, Cr, Cu, Zn), pesticides (AMPA) et DEHP. Les EU se distinguent par un nombre plus important de COV, les EP par la présence de pesticides et les dépôts du réseau par celle de métaux dangereux prioritaires (Hg, Ni, Cd). 22 substances n’ont jamais été ni quantifiées, ni détectées sur aucun échantillon. Toutefois, leur absence doit être discutée plus spécifiquement. En effet, une substance peut être réellement absente de l’échantillon ou bien être présente mais à des niveaux auxquels les méthodes proposées ne nous permettent pas de les analyser. Ce dernier cas s’applique aux substances dont les limites de quantification sont supérieures aux NQEp : chlorobenzène (penta, hexa et trichlorobenzène), PBDE, chloroalcanes et deux pesticides (isodrine et beta-endosulfan). Pour ces familles, il est apparu nécessaire que les laboratoires accrédités (et/ou de recherche) développent des techniques leur permettant d’abaisser significativement leurs limites de quantification afin de répondre aux exigences réglementaires environnementales et donc d’évaluer réellement l’impact de ces contaminants sur les écosystèmes. Les autres substances absentes possèdent des LQ < NQEp, c’est le cas de certains COV (isopropylbenzène, 1,2-dichloroéthane, hexachlorobutadiène, tétrachlorure de carbone) et pesticides (alachlore, hexachlorocyclohexane), voire ne possèdent pas de NQEp, il s’agit du platine, du PCB194, de l’octa- et du décabromodiphényléther et des pesticides (beta - endosulfan, lindane). Parmi les 88 substances recherchées, 66 ont été quantifiées au moins une fois dans un échantillon (EP, EUTS en réseau unitaire ou en réseau séparatif, dépôts de réseau unitaire, retombées atmosphériques) dont 26 % (17/66) sont des substances prioritaires, 15 % (10/66) des substances dangereuses prioritaires et 59 % (39/66) des substances considérées comme plus spécifiques de la pollution urbaine. Parmi ces 66 substances, 48 substances sont dans la phase particulaire, 42 dans la phase dissoute et 8 COV dans l’échantillon brut.